18 janvier 2017

Frithjof Schuon, Failles dans le monde de la foi (note de lectura)

Paru dans Etudes traditionnelles, No 483, janvier-février-mars 1984

La religion s’adresse a priori à ce qui est susceptible de « mettre en branle » la volonté de l’homme moyen; elle ne saurait s’adresser immédiatement à l’intelligence, laquelle précisément ne met pas en branle l’homme moyen, donc la majorité.

Conformément à sa finalité et à la capacité de la majorité, le message religieux s’adresse globalement à l’intuition, au sentiment et à l’imagination, puis à la volonté et à la raison dans la mesure où la condition humaine l’exige.


Dans les Ecritures, l’intelligence est avant tout dans le symbolisme, lequel offre ce dont peuvent avoir besoin les esprits les plus élevés.

La métaphysique pure se retrouve dans les dogmes en tant que symboles universels. La métaphysique vise ceux dont l’intelligence possède une qualité à la fois discriminative, contemplative et opérative. Discriminative – capable de discerner intuitivement entre l’Absolu et le relatif; contemplative – s’attachant à la conscience du pur Etre et de la pure Essence; opérative – prédisposée à passer de la puissance à l’acte, de l’abstrait au concret, de l’intelligence à la volonté.

La majorité est bien moins que simplement non-métaphysicienne, elle a réellement peu d’intelligence, comme l’histoire du monde le démontre à satiété, et comme le prouve, autour de nous, la mondanité sous toutes ses formes.

Sans la croyance, la voie manque de charpente; mais c’est la foi au sens paulinien et mystique qui opère la sainteté.

Les perspectives confessionnelles ont tendance à mettre la forme, qui est particulière, au-dessus de l’essence, qui est universelle, et le souci moral, qui est intéressé, au-dessus de la vérité en soi amorale, qui est désintéressée.

la pieuse myopie

Reconnaître la validité de toutes les religions est certes une attitude louable, à condition que ce ne soit pas au nom d’un psychologisme qui réduit le surnaturel au naturel, à condition aussi qu’on exclue les pseudo-religions et les pseudo-spiritualités; ce qu’un certain « œcuménisme » semble ignorer. Universalisme n’est ni « humanisme » ni indifférentisme.

Trois notions manquent largement au « monde de la foi »:
a) celle de la « Relativité » universelle (Mâyâ);
b) celle du « point de vue » de la part du connaissant;
c) celle d’« aspect » en ce qui concerne le connu.

La religion présente le caractère d’hérésie relative par rapport à la vérité, ce qu’exprime précisément le terme bouddhique upâya, « stratagème spirituel » ou « mirage salvateur ». La perspective de la seule foi ne peut admettre la « relativité » des hypostases ou de l’Etre créateur, tout dans cette perspective doit être absolu, sous peine de perdre la force percutante qui correpond à la sensibilité de l’homme moyen.

Monde de la foi, monde de la gnose: les deux se rencontrent dans la Beauté, laquelle est la « splendeur du Vrai »; et laquelle réconcilie – comme sous le manteau de la Sainte Vierge – tous les antagonismes que peut assumer l’aspiration spirituelle des hommes.


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